Mardi 16h ;après 1h30 de route , je ferme la voiture ; je connais bien la zone géographique où je décide de m'installer pour l'avoir parcouru de longues années en long et en large à cheval. Je privilègie la tenue camo à l'affût , car je sais que ça risque de bouger vite et fort , et qu'avec une focale fixe, il faut pouvoir anticiper. N'habitant plus ce département , je vais prendre informations auprès des anciens du village ;Quel plaisir de les revoir ! Comme je le pensais, les cerfs sont bien descendus dans la vallée pour le brâme , donc pas la peine de monter au dessus de 800m d'altitude. Le brâme a bien commencé , mais il reste encore discret ;c'est à dire qu'il ne résonne pas encore come une balle de flipper dans tous les coins de la vallée et que les cerfs sont encore sur leur garde , vis à vis des hommes. Plus tard , lorsque le brâme bat son plein, il n'est pas rare de les croiser en pleine journée dans un potager.
C'est mon premier brâme photographique. J'ai commencé la photo il y a un an , et je ne suis équipé d'un 350d et canon 400 f/5.6 que depuis 6 mois et un 100/400 canon depuis hier!. Je trouve ce moment du brâme assez curieux , car si je l'ai vécu de nombreuses années en stéréo depuis ma cuisine , où je lançais mes torchons de cuisine par la fenêtre sur le dos des cerfs pour qu'ils filent de mon jardin et me laisse écouter mon film peinarde , aujourd'hui j'espère le coeur battant qu'ils vont venir dans l'axe de mon objectif.
18h : Il pleut un peu , et la lumière commence à tomber dans la clairière que j'ai choisie. J'ai froid, j'ai faim, et le silence de la montagne ne me rassure pas , ne me réchauffe pas par 8 degré. Cachée dans un roncier à bon vent que j'ai soigneusement dégarni de quelques branches , j'entend l'équivalent d'un rongeur moyen qui grignotte dans mon dos...j'espère qu'il va tenir ses distances avec mes fesses...quel qu'il soit!
19h En contre bas et dans la pénombre ambiante de la nuit qui s'installe et du brouillard épais , j'observe 4 biches dans les buissons.Je n'ai plus froid , je n'ai plus faim, et je ne me sens plus seule au monde! Y-a-t il un cerf avec elles ??? J'ai le coeur qui bat la chamade , et mes crampes aux jambes s'envolent. Soudain les biches traversent une petite route en face de moi ; je crois d'abord , que c'est moi qu'elles ont senti grace aux nappes de brouillard qui se déplacent à hauteur de leur douces narines , et je commence déjà à m'en vouloir , lorsque tout à coup , un cerf d'âge moyen aux cors irréguliers , se présente à son tour sur la route.Pour moi , il est magnifique , si noble, si puissant! C'est le plus beau de tous , même si c'est pas vrai
La lumière est si basse , que je décide d'abord de ne rien faire , de rester dans mon roncier et de profiter de si beau moment de nature brute. Mais en contre bas de ma planque il se met à brâmer ; je n'y tiens plus ! Tant pi! A bas l'avarice et la belle photo , je veux un souvenir de ce si grand moment pour moi. Je prend le temps de passer à 1600 iso et ouvre à F/5.6 ; je désactive le flash , et tel un renard vagabond, je me traîne à quatres pattes , tête bêche, puis sur les coudes , au bord de la route totalement à découvert , mais toujours à bon vent. Je suis trempée, crevée , pleine de piquants divers ; je lève la tête et il est là , à moins de 50m , face à moi , mais occupé à brâmer aussi fort qu'il peut ,tandis que les biches se sont enfoncées dans les sapins hors de sa vue.
Je me redresse sur les genoux, je prie dame de la nature de m'autoriser rien qu'une petite photo un peu moins que noire et je presse le bouton du salut. Le rideau se ferme lentement (1/10 sec) et le bruit me torture les oreilles et le coeur
Il finit par tourner longuement la tête vers moi , à cause du bruit ; son regard est menaçant et ne pouvant courrir jusqu'à un arbre trop loin , je décide de m'incliner devant mon seigneur ; je me recouche dans l'herbe mouillée ; il s'apaise , me tourne le dos et s'enfonce tranquillement et fierement dans les sapins.
Fin de ma première rencontre photo avec un cerf.
J'illustre ma petite histoire par quelques photos , juste pour vous mettre dans l'ambiance. Pas besoin de les critiquer , je sais qu'elles vallent poubelle ; si la modération le souhaite , je retire les photos de suite.
Ambiance de 18 heures
Mise en garde aux imprudents .
Le seigneur de ma soirée traversant décontracté cette petite route sans issue
Dans la pénombre et le brouillard , il m'offre sa plus haute note , puis s'enfonce comme par magie dans le noir des sapins.
Amicalement,
Ciconia , conquise par le seigneur des bois , déçue par son travail photographique.