racontars d'approche, les biches

Démarré par lemesp, 07 Janvier 2009, 10:26:42

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lemesp

La combe  est orientée plein est, entaillée de deux ou trois ravins. Le relief est sec au point que le paysan auvergnat, pourtant réputé âpre au gain jusqu'en Ecosse, répugne à y laisser paître ses vaches.
On peut y accéder à couvert par une prairie bordée de frênes. 1000 mètres. Juste au dessus il y a 40 cm de neige compacte. « Ma » combe, de par sa pente et son orientation n'est plus très blanche, sauf dans quelques à plats.
Le cul posé, adossé à un frêne, je jumelle soigneusement. Leçon 1, toujours scruter soigneusement les environs avant de s'engager.
Au second passage de jumelle, une forme en bas à gauche attire mon regard. La forme bouge... En y regardant de plus près, il me semble bien qu'elle n'est pas seule. Il est 15h12. Je croyais être en avance. Tout juste si je ne suis pas en retard.



Un daguet passe le travers ensoleilllé au grand galop. Ça y est c'est parti. Ça  monte... S'agit de ne pas trainer si je veux être à mon rendez-vous.
Toujours à couvert, je descend le premier ravin. J'ai pris soigneusement mes points de repère.  Je sais où je vais. Splich-sploch font mes pas. Glou-glou répond le ruisselet. Un buisson de ronces, des pruneliers, tout ça pique férocement. Un arbre tombé. Voilà un abris bien commode. Le filet d'eau qui se verrait bien cascade masquera bien le claquement du MK II. J'en pose le fondement dans la boue. Tudieu ! Là aussi ça pique !
D'ailleurs les voilà. Daguet, biches, bichettes. Il y a du monde. Les grandes pattes traversent en ordre dispersé, toujours à grand galop. La bande va me remonter droit dessus ! C'est toujours une drôle d'émotion, le coeur qui bât plus vite. Il reste quoi ? 50 mètres ? Un rideau d'arbres nous masque les uns aux autres. Je compte 12 bestioles. Marron sur marron, immobile... dans l'ombre, je me fonds tellement dans le paysage qu'aucune ne songe à moi. Vent nord nord-est, le bruit de l'eau. Les conditions sont idéales.



Ahhhhh ! Que je le sens bien.  Les arbres et un paquet de neige me gênent, mais tu vas voir ce que tu vas voir quand elles vont se pointer. Les mères broutent le tapis jaune, certains se coursent, deux biches règlent leurs histoires de préséance façon boxing cervidé.



Quoi ! Mais qu'est-ce qu'elle fout celle-là. Au lieu de remonter vers moi une biche vire vers le Nord.
Pas par là ! Venez voir  par ici ! De l'herbe bien verte ! Ça va vous changer du paillasson cramé... J'envoie message télépathique sur message télépathique. Rien n'y fait. Toute la bande suit le mouvement.
J'attends que la dernière ai passé  un petit bout de crête. Et hop ! Je me réenquille mon ravin, dans l'autre sens. Re splich-sploch, re glouglou. Elles vont se remonter l'autre, celui d'à côté. Celui que j'avais repéré...
S'agit de faire vite et en discrétion. En haut, petit coup de jumelles. Une forme dans les genêts me met le doute, alors je fais un long détour pour rester bien à couvert, d'arbre en arbre. Ravin, descente, splich-sploch, glouglou. Air connu.
Nouveau poste d'observation, les mêmes ronces, les mêmes pruneliers, les mêmes frênes, le même froid humide qui poisse le fondement. Ça pique pareil.
Une paire de chevreuils traverse furtivement  l'à plat enneigé. Je suis tout bon. 5 minutes d'attente et en voilà une dans les genêts, puis une autre. La bande sort. Remonte... Et tourne à nouveau ! Encore plus au nord.



Nom de Dieu de Bordel de Merde ! J'ai comme l'impression qu'elles négocient une sorte de grande boucle.
Ok ! Puisque c'est comme ça  ! Re remontée de ravins... genêts, frênes. J'avance comme sur des oeufs. Il ne sera pas dit que j'ai oublié les chrevreuils. Capréolus où es-tu ?  Rien ! Pas la queue de l'ombre d'un poil.
J'arrive sur un à-plat encroutée de neige gelée. Scrotch, scrotch. Moi qui espérais un silence complice.
Bon, bin plat dos. Tant que je suis sur l'à plat le bruit n'est pas un gros problème. Dans la pente, il n'y a plus de neige. Les genêts me fournissent leur couvert. Coup d'oeil rapide. Il y'en a une là bas. Clic-clac. Pas de réaction.



Ça doit être juste, mais ça va. Reste à repérer les autres. 10 mètres de plus. Un frêne fourchu me permet de caler le 300. 800 isos 1/50 avec le monopode, en appui pas de soucis. Une biche et son faon pile-poile en face. Deux déclenchements. Tudieu le MK II claque fort. Je me métamorphose en souche. 10 secondes ? Une minute ? Les autres continuent leur mouvement, le faon suit, puis sa mère. Fin de la journée, il est 17h12.



Reste plus qu'à remonter la pente et retrouver Simone garée sur le chemin.
Ah ! Et ne dites pas à Viddock qu'il n'y a aucune marche d'approche, j'ai réussi à le convaincre quà moins de 500 mètres de dénivelé et 1h30 de marche, ça ne valait pas le coup.

cerf de bleau

Belle histoire, on s'y croirait. De beaux souvenirs par conséquent.
Cordialement, Yannick.

jeremyyy

belle histoire et belle aventure on s'y croirait.
Jérémy

blizzardbeast

Salut
hé bein que d'efforts consentis pour des animaux si peu complaisants fhfh la 3 pour l'attitude et la dernière parce qu'ils sont enfin sortis de derrière ces :evil:de branches.

Amicalement
Alain

alf21

C'est tellement bien raconté qu'on s'y croirait  uy8.
Bravo pour ces belles rencontres.
@+ :wink:

yannick 08

quelle histoire bravo
tu as pensés au pièges photo ? :mrgreen: :mrgreen:
amitiés

yannick
Yannick Domont
5D3+  7D  +500f4 CANON+150mm SIGMA 2.8+70/200f4 canon
http://www.wix.com/yannick0808/yannickphoto

fab21

Une approche magnifiquement racontée  uy8
Des animaux parfois imprévisibles mais captés
félicitations pour l'ensemble
@+ Fabrice ))))
Un jour, ton âme tombera de ton corps et tu seras poussé derrière le voile qui flotte entre l'univers et l'inconnaissable.
En attendant, soit heureux !
Tu ne sais pas d'où tu viens...
Tu ne sais pas où tu vas !




http://cerf21.canalblog.com

julien

Bonsoir,

récit passionnant et excellentes touches d'humour ! On est tous passé par là quand on approche :)
et belles images d'ambiance. L'endroit est superbe.

joujou

jf990224


Merci pour l'histoire !
J'adoooore ...
Et puis, ça change des longues prairies de ma région ou ça dénivelle de 0,5 m par km.
:wink:

RvB

Un récit qui sent vraiment le vécu... on connait ça aussi par ici !
Beau récit, toutes les anecdotes y sont... et au final, quelques images (quand même) pour alimenter le reportage.

Hervé
RvB Images : http://herveballand.com
"Il y a du merveilleux chez ces princes de la nature qui voient tout, mais ne se montrent qu'à de rares élus"

lemesp

Merci pour vos passages RvB, mister ze alf, joujou, jf 990224, blizzar vous avez dit blizzar, jeremyyy, fab21, yannick 08, cerf de bleau.

En ce moment le froid fige la vie (-10 -15°) le matin. Rivières et étang se prennent en glace.
J'attendrais un peu avant de rentourner dans cette combe si pleine de promesses

Photophile

Magnifique Joël...on est avec toi dans tes tentatives d'approches, et le récit est prenant. Ca transpire l'effort tout ça !

J'adore ton expression, que je ferai mienne désormais : "ça poisse le fondement !".

Ma préférence va vers la dernière où la biche à découvert est plutôt séduisante !

Bon repèrage en tout cas, la combe semble vraiment sauvage.

Ciao

Tipcool

Beaucoup de plaisir à lire ton aventure pleine d'humour, vivement la prochaine :) :) :)

Le Forestier

Superbe récit.
J'ai eu l'impression de le vivre en même temps que toi.
Bravo pour cette approche et merci pour le partage.
Pierre TAYMANS - Eos 7 D mark II ou 7 D + Sigma 5OOmm f 4.5 et 300mm f 2,8 (principalement)

lemesp

Merci à vous messieurs (Le Forestier, Photophile, Tipcool). Content que ces deux heures vous aient amusé.

Pour te répondre Philippe. La combe est sauvage, mais si tu savais où ça se trouve, tu en tomberais sur le cul.

J'ai encore plein de secrets...