Petits secrets de fleurs... [MAJ du 06 Avril]

Démarré par Roland RIPOLL, 29 Juin 2022, 10:27:14

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0 Membres et 1 Invité sur ce sujet

Nanou2

J 'y gagne dit le renard,  à cause de la couleur des blés

gjacobs

C'est dingue ce que la nature est capable de faire!

Gauthier

jbfft


Roland RIPOLL

Merci !

Les vrilles de la Bryone...

La jeune vrille apparaît sous forme d'une spirale serrée qui se déplie, s'allonge et tourne sur elle-même à la recherche d'un support ; dès qu'elle entre en contact et frotte sur un support rugueux, elle réagit très vite grâce à des micro-coussinets tactiles en s'enroulant autour assurant ainsi l'accrochage définitif au support. Et là, la vrille entreprend une transformation extraordinaire, celle d'un double enroulement en ressort à boudins très élastique et souple qui rapproche la tige du support choisi. La bryone devient ainsi capable de grimper plus haut et d'assurer le maintien du poids de ses tiges qui vont se charger de fleurs et de fruits (pour les pieds femelles)



La vrille, torsadée, enroulée en ressort, a quelque chose de remarquable elle est d'abord enroulée dans un sens, suivie d'un court segment plus ou moins droit, puis s'enroule dans le sens contraire ; en général elle le fait deux fois mais parfois sur de longues vrilles on peut avoir ainsi trois ressorts successifs ainsi espacés.

A noter que la vrille tourne d'abord dans le sens des aiguilles d'une montre puis, après le segment droit, tourne en sens inverse... C'est ce qu'en termes scientifiques on appelle la "chiralité".



Cette inversion du sens des spirales a été étudiée par une branche des mathématiques appelée la topologie qui traite des changements de forme dans l'espace par des transformations continues comme les célèbres anneaux de Möbius. Ce serait J. B. Listing (1802-1882) qui aurait pour la première fois proposé le terme de perversion pour désigner cet état adopté par divers matériaux soumis à un étirement continu : deux spirales en sens inverse séparées par un espace « neutre ». Ce mot dérive de l'adjectif latin "perversus" utilisé par les spécialistes des coquillages pour désigner des coquilles d'escargots marins enroulées en sens inverse de la normale.



Cette "perversion", c'est-à-dire ce double enroulement, rendrait la bryone dioïque très performante pour résister aux secousses surtout quand on sait qu'elle peut facilement s'élancer à la conquête des sommets sur une hauteur de 3 à 4 mètres !




"être simple pour être vrai"

jojo59

Bonjour Roland,

C'est remarquable, quelle ingéniosité cette plante !

José

gjacobs


Baussant

L' émotion nait de l' attente

Nanou2

J 'y gagne dit le renard,  à cause de la couleur des blés

den7

Cette spirale est étonnante.

Il y a toujours une explication et je suis bien contente de la connaître maintenant, merci.

J'aime beaucoup la dernière.

Roland RIPOLL

Merci à vous !

Limodore, Lamier, Violette et cléistogamie...

Le Limodore à feuilles avortées (Limodorum abortivum) est une orchidée à feuilles réduites à de petites écailles. Il a la particularité de ne pas produire de chlorophylle et d'être une plante parasite qui puise les éléments dont il a besoin sur les racines des arbres avoisinants.

Limodore à feuilles avortées


Mais sa principale particularité, comme quelques autres plantes,  est d'être cléisotogame... Ca veut dire quoi ?

La cléistogamie  désigne la possibilité pour certaines espèces végétales de se reproduire par autopollinisation avec des fleurs qui ne s'ouvrent pas.
Les plantes cléistogames produisent deux sortes de fleurs: les classiques, celles qu'on cueille, qui sont belles, qui sentent bon et qu'on peut voir à la belle saison (fleurs chastogames) et les autres, petites, insignifiantes, sortes d'avortons, qui ne s'ouvrent jamais (fleurs cléistogames).

Lamier embrassant


Violette odorante (fleur chasmogame)


Violette odorante (fleurs cleistogames)


les fleurs cléistogames passent souvent inaperçues aux yeux des humains mais aussi des insectes pollinisateurs. Mais pourquoi donc ? Pourquoi la plante se complique-t-elle la vie à faire deux types de fleurs ? Sans doute parce qu'elle veut absolument se reproduire, assurer sa descendance, en jouant sur deux tableaux: fécondation croisée et autofécondation. L'avantage d'une fleur cléistogame est qu'elle ne dépend pas  des pollinisateurs.



Il faut savoir qu'une plante dépense beaucoup d'énergie à se parer de belles fleurs colorées pour attirer les pollinisateurs. Or si, pour une quelconque raison, les insectes ne se présentent pas au bon moment, la reproduction risque d'être  un échec. Toute cette énergie aura été dépensée pour rien.

La cléistogamie est, pour certaines plantes, comme le "Lamier embrassant" ou la "Violette odorante", une façon de se prémunir de ce risque, une "garantie reproduction" en quelque sorte. En se fécondant elles-mêmes, elles assurent la production de graines en l'absence de pollinisateurs. Ne dit-on pas qu'on n'est jamais mieux servi que par soi-même ?



Il arrive même que cette autofécondation se passe sous terre comme pour le "Limodore à feuilles avortées" qui développe des fleurs souterraines que ne voient jamais la lumière du jour.



La cléistogamie permet aussi,  en se protégeant de tout pollen étranger. de préserver l'adaptation  et les populations locales dans des environnements dans lesquels les plantes se reproduisent avec succès et n'ont pas besoin de matériel génétique nouveau ni de s'hybrider.

Violette odorante


Les plantes cléistogames sont relativement rares. Si on compte près de 400 000 espèces de plantes à fleurs sur la planète, 500 d'entre elles seulement ont ce mode de reproduction qui passe souvent inaperçu...


"être simple pour être vrai"

gjacobs

Ah ben ça alors, on en apprend tous les jours! Au final, je suis surpris que la plante fasse quand même une fleur pour ce type de reproduction. Je ne serais pas surpris qu'il y ait au final plus de plantes se reproduisant de la sorte, mais en ayant totalement éliminé les dépenses énergétiques superflues. Et si pas aujourd'hui, ce le sera peut-être plus tard, quand ces plantes auront évolué.

Gauthier

Roland RIPOLL

Merci Gauthier !

Vesce commune et fourmis: les points noir du mutualisme...

A la base des  feuilles de la Vesce commune (Vicia sativa)  se trouvent de petites expansions, les  stipules, où l'on observe souvent la présence des fourmis.



Une vision de près révèle que ses stipules possèdent généralement de petites marques noires : ce sont des nectaires, qui attirent les fourmis grâce au nectar qu'ils émettent. Les fourmis défendent ainsi la plante contre les nuisibles (pucerons et chenilles notamment) et sont récompensées par le nectar.





On désigne ce genre de "contrat amical" avec les fourmis par le terme myrmécophilie qui  définit l'aptitude d'animaux ou de  végétaux  à vivre en association symbiotique externe avec les fourmis.
Elle ne doit pas être confondue avec la myrmécochorie qui est le fait pour une plante (comme la Violette ou la Chélidoine)  de favoriser le transport de ses graines par le biais des fourmis.





Il est curieux de noter que la présence de points noirs est d'autant plus fréquente que la plante a déjà subi des attaques de prédateurs.  Cela veut-il dire, qu'en cas d'attaque, la plante fait appel aux fourmis en leur signalant des prédateurs par davantage de points noirs ?
"être simple pour être vrai"

gjacobs

Merci de nous éclairer sur ces éléments extraordinaires que la nature a concocté!

Gauthier

Roland RIPOLL

#88
L'anthyllide vulnéraire pour décontaminer les sols...

L'Anthyllide vulnéraire (Anthyllis vulneraria)  est une plante utilisée dans ce qu'on appelle la "phytoremédiation", une technologie qui utilise le métabolisme de certaines plantes qui accumulent, transforment, dégradent, concentrent opu stabilisent des polluants contenus dans les sols ou les eaux contaminés.

C'est une espèce végétale étonnante. Elle est une des rares légumineuses capables de croître sur des terres hautement polluées.

Elle a en effet la propriété de concentrer le zinc, le cadmium et le plomb dans les feuilles et les tiges (On parle alors de "phytoextraction"). Ces métaux sont ensuite récupérés quand la plante a fini son cycle de vie. L'Anthyllide vulnéraire pompe les polluants par ses racines pour les stocker dans les parties aériennes qui, une fois sèches, sont traitées dans des centres spécialisés.

C'est une plante qui non seulement  accumule le zinc à des concentrations inégalées par d'autres espèces (elle est l'un des plus forts hyper accumulateurs de zinc identifiés à ce jour) mais de plus, comme légumineuse, elle a l'avantage de réintroduire de l'azote dans des sols pollués et de les enrichir, permettant ainsi à d'autres espèces végétales de s'installer.

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"être simple pour être vrai"

gjacobs


den7

Il y a un très joli effet 3D sur ces dernières.

Des explications toujours aussi intéressantes.

Roland RIPOLL

Merci !

La Jussie pour décontaminer l'eau...

La pollution des eaux provient surtout des métaux lourds mais aussi des insecticides et des herbicides utilisés en agriculture.
La Jussie (mais également la Menthe aquatique, le roseau commun ou la Laitue d'eau) a la propriété, grâce à son système racinaire, de capter ces polluants. On a observé que ces plantes, même mortes, conservaient leurs capacités filtrantes.

Il n'est donc nullement besoin de la planter ou de la cultiver  au risque de déséquilibrer la biodiversité. Nous savons tous que le Jussie est une plante envahissante qui prolifère dans nos cours d'eau, et qui, de par son pouvoir tapissant, entrave l'écoulement des eaux et empêche la lumière de passer. En cela, elle limite les possibilités de navigation, étouffe la végétation, réduit l'oxygène dans l'eau amenant au comblement des plans d'eau et à une chute de la biodiversité.

La Jussie est donc récoltée. Après plusieurs jours de séchage, elle est broyée en une poudre de fines particules, permettant de façonner des colonnes filtrantes pour devenir un filtre végétal très efficace. En effet, l'eau prélevée dans une rivière polluée passe à l'intérieur de ce filtre où  la poudre de Jussie se charge en zinc, arsenic, fer. et autres polluants.  Les filtres, gorgés de métaux, sont ensuite rapportés dans des centres spécialisés où ces métaux sont récupérés et réutilisés. offrant ainsi une solution zéro déchet...

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"être simple pour être vrai"

gjacobs

Waouh, cette plante est aussi jolie que miraculeuse!

Gauthier

Roland RIPOLL

Merci Gauthier !

Se faire du mouron... Oui mais lequel ? Mouron rouge ou Mouron des oiseaux ?


"Se faire du mouron" est une expression argotique, un peu ancienne et démodée qui signifie "se faire du souci".

Quel rapport avec la plante du même nom ? Selon certains:

- Les graines de Mouron rouge (Anagallis arvensis) étaient autrefois utilisées pour traiter l'anxiété, un usage qui aurait donné naissance à l'expression "se faire du mouron"...

On pensait en effet qu'il était susceptible de soulager les hypocondriaques, les personnes crispées et anxieuses à l'excès quant à leur état de santé, ainsi que  ceux qui souffrent de mélancolie. Son nom Anagallis lui vient d'ailleurs du grec Anagelaô, qui signifie «je ris» ou «je chante».







Selon d'autres:

- Le terme mouron en argot  désigne la chevelure, en référence aux poils blancs des feuilles du Mouron des oiseaux (Stellaria media). On disait d'ailleurs "ne plus avoir de mouron" pour dire qu'on était chauve...

On a constaté parfois chez certaines personnes anxieuses ou qui ont subi un choc émotionnel important, que ce soit de graves soucis, un stress intense ou une grosse frayeur, que leurs cheveux viraient au blanc très rapidement.

Par extension, l'expression "se faire du mouron" a fini par devenir synonyme dans le langage populaire de "se faire des cheveux blancs".







J'avoue avoir une préférence pour la première hypothèse car les poils blancs du Mouron des oiseaux ne sont pas franchement visibles sur le terrain, ce n'est pas du moins ce qui saute aux yeux...
"être simple pour être vrai"

den7

C'est très intéressant à nouveau et ces jolies couleurs nous aident à patienter jusqu'au printemps.

gjacobs

Ce sont deux jolies fleurs, en particulier le rouge.

Gauthier

Roland RIPOLL

#96
Merci !

Le  trèfle blanc empoisonne au cyanure...

Le trèfle blanc (Trifolium repens) libère du cyanure lorsque ses tissus foliaires sont endommagés. Cette réponse chimique, appelée cyanogenèse, lui permet de se défendre contre les attaques des herbivores, escargots, insectes ou divers rongeurs et, à la campagne, les vaches, les moutons et les chèvres.
Il n'est pas un cas unique. La cyanogenèse a en effet été découverte chez environ 2 600 espèces végétales.



Le cyanure d'hydrogène (formule HCN) est un poison extrêmement toxique, inhibant la respiration cellulaire. D'ailleurs, la plante ne le stocke pas tel quel, cela serait trop dangereux. Elle produit des composés précurseurs, des glycosides cyanogènes.



Le Trèfle blanc fabrique deux sortes de glycosides qui sont emmagasinés dans la vacuole, structure de la cellule végétale. Lorsqu'il attaque une feuille, le prédateur casse des cellules et libère une enzyme qui se trouve normalement dans la paroi. Cette enzyme entre alors en contact avec les glycosides, les décomposant et dégageant ainsi le cyanure d'hydrogène.



A la campagne mais pas en ville !

Une étude internationale menée en parallèle dans 26 pays, sur six continents et dans 160 villes a en effet observé que les trèfles blancs citadins, étant moins soumise en milieu urbain à l'action des herbivores, produisent beaucoup moins de cyanure d'hydrogène que leurs comparses campagnards.





Les chercheurs vont maintenant essayer de déterminer si l'énergie que le trèfle consacrait auparavant à la production d'acide cyanhydrique est utilisée à d'autres fins, comme, par exemple, une reproduction plus importante ou une plus longue longévité...

"être simple pour être vrai"

gjacobs

Au vu de cette belle série, je dis qu'on ne photographie pas assez les trèfles!

Gauthier

douvid

Photographier le Monde en minuscule, et essayer de comprendre combien Grand est son Createur...

Z8
Irix 15mm - f2.8
Nikon Z 14-30mm f4
Sigma 24-105mm Art  f4
Sigma 180mm -  f2.8
Nikon 500mm PF f5.6
Nikon Z800mm PF f6.3

Roland RIPOLL

#99
Merci à vous de suivre ce fil!

L'autofécondation, une solution face à la  raréfaction des insectes ?

On estime qu'environ 87.% des espèces de plantes à fleurs dépendent des insectes pour leur pollinisation. Une publication allemande de 2017 a montré une réduction de plus de 75.% de la biomasse des insectes volants sur une période de 25 années.

Face aux changements environnementaux, et notamment la raréfaction des insectes,  le système de reproduction des plantes peut changer. Certaines plantes évolueraient peu à peu vers l'autofécondation.


Deux exemples:

La Pensée des champs

Des chercheurs français ont comparé des individus actuels de Pensée des champs (Viola arvenis) avec ceux des années 1990. Des graines avaient en effet été récoltées et gardées par le Conservatoire Botanique National de Bailleul dans les années 1990.



Les analyses génétiques révélèrent une augmentation de 27 % du taux d'autofécondation au cours de la période étudiée.



Les résultats ont montré que la surface des fleurs est en moyenne 10.% plus petite qu'il y a 20 à 30 ans, les corolles  devenant plus modestes; tandis que le volume de nectar a chuté de 20 %.



La petite centaurée commune

Des populations de Petite centaurée commune (Centaurium erythraea) poussant en milieu urbain (où les pollinisateurs, notamment les syrphes, sont plus rares) ont été comparées à des populations rurales.



L'enquête montra que, dans les milieux appauvris en pollinisateurs, la petite centaurée produisait des fleurs moins nombreuses et plus petites. Elles ne présentaient plus d'herkogamie, (séparation spatiale des étamines [mâles]  et du stigmate [femelle]) contrairement à celles vivant dans des lieux riches en pollinisateurs.
 
La capacité d'autofécondation était 36% plus élevée qu'en milieux naturels !



Mais l'autofécondation, cette assurance de se reproduire en l'absence de pollinisateurs, pourrait être contrebalancé par le phénomène de "dépression endogamique", l'équivalent pour les plantes des effets  de la consanguinité...



"être simple pour être vrai"