La place de Brame : définition

Démarré par doumé83, 12 Novembre 2013, 16:45:05

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doumé83

Bonjour à tous,
Cette période de l'année tant attendue par beaucoup est terminée et je dois dire que cette fois encore j'en suis resté au stade de l'écoute et de l'observation.j'ai pu localiser plusieurs zones ou les animaux sont forts actifs,mais je ne veut pas m'aventurer à faire des affuts tant que je n'aurais pas bien compris leur mode de fonctionnement.Je fréquente un spot en moyenne montagne,un terrain très sec avec beaucoup de résineux (marche d'approche sur les lieux d'affut très délicate)avec des vents un peu capricieux,mais des animaux nombreux et qui brame des 16h30 (donc possibilités d'avoir pas mal de lumière pour le mois de septembre)
Mon interrogation est donc : comment réellement définir une place de brame, est-ce toujours une zone dégagée (clairière en particulier)? Car si le cerf a sa "voix" pour se faire entendre,a t-il aussi besoin de "voir" (biches,rivaux)?
Enfin quelle ouvrages de qualité traitant de ce sujet pourriez vous me conseiller?

Merci encore à tous les spécialistes du Cerf qui pourront m'aider à comprendre un peu ce si bel animal et enfin réussir à le magnifier par des clichés

fada

Définition ( personnelle ) de la "place de Brâme" :
C'est le lieu où se défient et s'affrontent les cerfs qui prétendent couvrir les biches de la harde.
Ce sont donc les biches qui choisissent le lieu....

Ces places de Brâme sont plus ou mois constantes d'une année à l'autre, car fréquentées par des hardes de biches qui s'y retrouvent ; ces biches fréquentent le reste de l'année ce même territoire ou des territoires périphériques .
Les cerfs connaissent ces places et peuvent les rejoindre au début du Brâme avant même que toutes les biches ne les aient rejoints : on trouve des cerfs qui se "promènent" sans voir de grands groupes de biches.

Plus tard dans le Brâme, les hardes sont accompagnées d'un grand cerf, et les petits cerfs tournent autour de la harde en essayant de " chiper " une où quelques biches ; les daguets ,qui ont été expulsés récemment des hardes , sont aussi en périphérie des places de Brâme et tout perdus car seuls pour la première fois de leur vie.

La place de Brâme dépend donc de l'humeur des biches et de la tranquilité du territoire ; dans un biotope de bois entourés de plaines cultivées, le Brâme à lieu de nuit au milieu des plaines où mangent les biches , pour se déplacer dans les remises ( fourrés ) en forêt dès le début de journée où les biches se retirent à l'abri ; dans des territoires très peu dérangés les territoires de jour et de nuit peuvent par contre être très proches.

En résumé, pour voir le Brâme en plein jour et en prairies, le territoire doit être super-calme ; dans des territoires où le cervidé est dérangé, on ne le verra de jour qu'en forêt, autour des zones fourrées où sont remisées les biches.

Voilà quelques réflexions d'expérience, mais liées à quelques territoires de plaine, et donc pas nécessairement transposables à d'autres lieux...

Par contre, quel que soit l'endroit, le Brâme est un moment de très grandes émotions !

Bien  à  toi

daniel

doumé83

Et bien Fada je tiens à te remercier pour ton intervention et expérience sur le sujet du Brame.Tu as été le seul à bien vouloir apporter ton témoignage sur un sujet qui semble incroyablement tabou....
Cordialement

daguet

Je ne pense pas que le sujet soit tabou...simplement complexe... Cela dépend de nombreux facteur, densité, milieu, tranquillité, etc. Une définition  ne te servira à rien, c'est l'expérience de ton terrain de "jeux" qui te donnera ta définition.
A+

doumé83

Daguet,bien d'accord avec toi sur la complexité du sujet.je rejoins aussi ton avis sur le fait que ce qui sera vrai sur un massif ne le sera certainement pas dans un autre ou de manière différente.Et comme tu le dis: a moi de me faire ma définition. J'y travaille.J'apprends.....
Cordialement

Thomas C.

#5
Une place de brame ne se résume pas - sauf exception - à une zone de quelques hectares!!!; pour la simple et bonne raison que les mâles se déplacent énormément durant le rut, et en tous cas, qu'ils ne restent pas dans les clairières ou futaies claires une fois le jour venu...

Selon Darwin, les sélections sont (certainement?): intrasexuelle (=> confrontations entre mâles pour l'accès aux femelles), et intersexuelle (=> choix des partenaires sexuels par les femelles); ces sélections favorisent les traits qui accroissent l'habilité des mâles à combattre et dominer - compétition intrasexuelle - et se démarquer - compétition intersexuelle - (via les bois ou le raire (?)).

Chez cette espèce polygyne qu'est le cerf (comme chez les autres mammifères d'ailleurs), les tactiques de reproduction de chaque individu (visant à maximiser sa contribution aux générations futures) sont claires (cf. Trivers & Willard (1972) et Clutton-Brock (1989))...

Sachant que pour les mâles (capables de fertiliser de nombreuses femelles), le succès reproducteur est limité par l'accès aux femelles; et que pour les femelles (prédisposées aux soins parentaux), le succès reproducteur est limité par l'accès aux ressources:
=> les femelles se distribuent en fonction de la dispersion des ressources et (?) choisissent un mâle de la meilleur qualité possible;
=> les mâles cherchent à s'accoupler avec autant de femelles que possible et se distribuent (au moment du rut) en fonction de la dispersion des femelles.

Ce qui se traduit en septembre/octobre de 2 manières:
1. Les mâles défendent directement les femelles (ce qu'on appelle la «polygynie avec défense des femelles»); les boisés suivent les biches, et éventuellement les regroupent (harem).
2. Les mâles défendent une zone avec des ressources qui intéressent les femelles (ce qu'on appelle la «polygynie avec défense des ressources»). Ainsi, les mâles se regroupent sur une petite aire où chacun défend un «mini-territoire» et (?) tente d'attirer les femelles en «paradant». C'est par exemple le cas des prairies chambourdines (occupées le jour par des dominants, même lorsque les biches se remisent).

Bien sûr, tous les intermédiaires sont possibles (cas n°2: la nuit, quand les massifs ne sont pas (trop!) dérangés; et cas n°1: le jour (dans la très grande majorité des populations françaises (en forêts domaniales notamment)), au moment où les cerfs quittent les zones «ouvertes» pour se soustraire à la vue humaine!).
Si les densités sont très fortes, les femelles sont présentes sur l'ensemble du massif (dispersion du fait de la concurrence alimentaire) et donc, des cerfs sont entendus partout...

Pour de plus amples informations relatives aux milieux occupés par les cerfs, je vous conseille de lire ces excellents articles, scientifiques mais de "vulgarisation" (concernant une population de "moyenne montagne"; les constats sont certainement généralisables aux autres massifs...):

1. KLEIN F. et HAMANN J.L. (1999). Domaines vitaux diurnes et déplacements de cerfs mâles (Cervus elaphus) sur le secteur de La Petite Pierre (Bas-Rhin). Gibier Faune Sauvage, Game Wildl., Vol. 16 (3), sept. 99 p. 251-271.
2. HAMANN J.L., KLEIN F. et SAINT-ANDRIEUX Ch. (1997). Domaine vital et déplacements de biches (Cervus elaphus) sur le secteur de La Petite Pierre (Bas-Rhin). Gib. Faune Sauv., Game Wildl., Vol. 14, mars 1997, p. 1-17.

Ci-dessous (rien à voir avec la question du post, mais c'est passionnant!), je vous livre également un extrait de la superbe - mais "difficile d'accès" - thèse de C. BONENFANT (http://biomserv.univ-lyon1.fr/txtdoc/THESES/BONENFANT/TheseBONC.pdf):

- page n°14: "Le brame semble jouer plusieurs rôles importants pendant la reproduction. Tout d'abord il permet une synchronisation des oestrus des femelles (MacComb, 1987) et pourrait servir d'indice "honnête" de la condition physique (Clutton-Brock et al., 1979). Reby et al. (2001) montrent également que les femelles peuvent discriminer plusieurs individus sur la base du brame ce qui avec la fréquence des brames (MacComb, 1991) pourraient être utilisés dans le choix du partenaire sexuel."

Enfin, voici quelques éléments "basiques" livrés dans une très interressante brochure de l'ONCFS (http://oncfs.esigetel.fr/Oncfs/Obj/Pdf/Cerf_elaphe.pdf):

- page n°2: "Durant le rut, l'activité du cerf varie suivant que l'on se trouve en forêt ou en milieux ouverts. Sur ces derniers, il adopte un comportement de type territorial, séjournant sur un petit secteur dont il tente d'interdire l'accès à ses concurrents. En forêt, le cerf circule sur une zone de rut de quelques centaines d'hectares, à la recherche des femelles réceptives. On l'observe souvent en présence de biches sur un pré ou une clairière, mais il ne semble pas y avoir de territorialité. Le comportement de rut n'est cependant pas totalement élucidé. Si est évident que le cerf rejoint les biches, il n'est pas impossible que les biches, elles aussi, se regroupent durant cette période. Elles rechercheraient de préférence la zone de rut d'un mâle dominant, profitant de sa protection contre les harassements incessants de cerfs plus jeunes dont elle serait victime en cas de choix différent."
Passionné de cerfs...
Activité vidéo: SONY EX3 + NIKON 200-400/f4