Bref, voici les circonstances de cette aube d'été peu rimbaldienne ;-)
L'été 2020 avait bien débuté et à mon premier endroit de résidence, mon ami local et hôte avait repéré une tanière de loups et observait déjà depuis quelques temps comment les louveteaux étaient déplacés toujours plus près du cours d'eau par la meute. Malheureusement, de longues heures d'affût n'ont pas permis d'apercevoir l'ombre d'une queue. La zone fortement boisée expliquant sans doute cela. J'ai bien retrouvé les restes d'une proie, mais il ne restait plus dessus suffisamment de viande pour que cela vaille la peine d'affûter. J'ai donc dû me contenter de chemins forestiers malheureusement peu droits, et si j'ai entendu, j'en suis quasiment sûr, les loups derrière le rideau de la végétation, je n'en ai entrevu qu'un seul, une fraction de seconde, qui se reposait dans le sous-bois à dix mètres de mon chemin de retour, et a été surpris par mon passage de retour d'un affût infructueux. Et a déguerpi avec fracas.
J'en reviens donc à mon deuxième endroit et à ces images de loups et de l'ours. J'étais à l'affût dans les prairies déjà citées aux premières lueurs derrière mon filet et j'attendais qu'il se passe quelque chose. Il devait être à peu près 4h30 du matin. Tout à coup, devant mon objectif, surgit une biche visiblement apeurée et à bout de souffle, la langue sortie! Souvent, derrière la malheureuse proie surgissent les prédateurs! Mon coeur s'emballe et j'attends. Mais rien... Je suis un peu perdu dans mes pensées et un peu fatigué. J'entends du bruit au loin dans la rivière, de l'eau qui s'agite, mais je ne bouge pas, d'autant plus que quelques instants plus tard, il me semble entendre un bruit de moteur et je crois donc que ce sont des bûcherons, malheureusement abondants dans le coin, qui traversent avec leur véhicule. Je l'ai vraiment regretté par après, car je suis certain que les bruits que j'entendais étaient ceux de la chasse en train de se dérouler... Il devait être entre 6h et 6h30.
A 7h, je remballe mon matériel car j'ai rdv avec mes deux enfants (moins lève-tôt que leur père, mais décidés en cette dernière journée complète sur place à profiter de l'aube) à l'intersection du sentier qui longe la rivière. Mon fils (14 ans) arrive et à sa mine, je comprends vite qu'il s'est disputé avec sa soeur (12 ans). Et quand ma fille est fâchée, pas moyen de lui faire entendre raison. Elle a décidé de ne pas supporter son frère et exige donc de se promener seule. Après de vaines palabres, je me vois contrains à accepter mais j'exige qu'elle embarque le GSM de son frère et elle part vers la rivière tandis que Julian et moi prenons la direction opposée.
Nous avons fait 200 mètres quand mon téléphone retentit! Celina nous dit qu'elle est au bord de la rivière et qu'elle aperçoit un ours disputer à une meute de loups les restes d'un cerf! (Elle nous expliquera par la suite avoir vu les loups tirer la carcasse d'un côté tandis que l'ours la tirait de l'autre). Ni une ni deux, Julian et moi faisons demi-tour en cavalant aussi vite que nous le pouvons!
Nous n'apercevons pas Celina, mais, du sentier en surplomb de la rivière, assistons à cette scène incroyable qui dure seulement quelques secondes de l'ours s'emparant d'un énorme morceau du cerf avant de disparaître dans les bois tandis que les loups se repaissent de leur côté. J'ai le temps de tirer cinq ou six photos sans trop réfléchir avant que l'ours ne quitte le champ de bataille. (Et j'ai la chance que dans le champ de PdV se trouvent les feuilles d'un arbre qui donnent en sus un encadrement à la scène qui, au 300 mm, apparaîtrait plus nue sinon).
Nous faisons ensuite prudemment demi-tour et retrouvons Celina qui s'était arrêtée plus loin de la scène et s'était postée en contrebas, directement sur la rive d'où, à travers les brumes matinales, elle a tout aperçu. Elle est évidemment aux anges et Julian aussi, pour qui c'est le premier ours aperçu!
Je pense que ce jour-là, nous avons eu une chance énorme! Le cerf venait d'être chassé par la meute (quand je l'ai entendu vers 6h30, arghhhhh!!!!!!!! Je maudis ma non-réactivité!!! La veille, il n'y avait rien) et surtout, l'ours, un jeune à voir l'absence de bosse à l'épaule, devait être prêt à se joindre immédiatement à la curée au lieu de voler la carcasse ultérieurement comme ils en ont l'habitude. De plus, ce devait être un jeune au caractère bien trempé pour oser s'opposer à la petite dizaine de loups...
25. et 26. Au voleur!