« Tu t'assoiras d'abord un peu loin de moi, comme ça, dans l'herbe. Je te regarderai du coin de l'œil et tu ne diras rien » Le petit prince.
Ceux qui connaissent bien les isards savent qu’en dehors des Parcs nationaux et autres réserves, ce sont des animaux extrêmement méfiants dans les massifs où ils sont chassés. Ce matin pourtant, cette chèvre m’ayant repéré, a poussé le chuintement caractéristique de tous ceux de son espèce. Généralement à partir de là, c’est fichu. Les isards plongent dans la pente pour ne plus réapparaitre. Pourtant au premier signe d’inquiétude, je me suis assis dans la callune comme conseillé par Antoine de Saint Exupéry, à distance "un peu loin". Après quelques minutes, elle en a fait de même. A peine croyable, je n’avais jamais vu ça. Elle m’offrait son intimité, nous sommes restés ainsi de longues et belles minutes, à quelques dizaines de mètres l’une de l’autre. Le bonheur absolu. Puis elle s’est levée pour faire son pipi matinal, me confirmant ainsi par sa posture de miction qu’il s’agissait bien d’une chèvre. Nous avons déambulé lentement dans la paroi pendant plus d’une heure, elle avec beaucoup plus d’aisance que moi, emprunté dans cette verticalité. Elle me laissait m’approcher toujours plus, semblant m’attendre. Un peu comme si les barrières étaient enfin abolies. Plus de chuintement mais de la confiance. Elle m'autorisa à faire une centaine de photos d'elle. Je lui ai laissé franchir seule la dernière crête et je me suis assis au bord du névé dans ce cadre somptueux en me demandant si je n'avais pas rêvé.
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