Cette observation est intéressante et l’avoir immortalisée en photo est un plus indéniable. Cette photo est néanmoins le reflet d’une triste réalité, qui tend aujourd’hui à se généraliser à l’échelle mondiale.
Le raton laveur est en effet une espèce que l’on peut qualifier de non indigène pour la faune française, et plus généralement pour la faune européenne. Vous connaissez tous de nombreuses autres espèces que l’on peut qualifier de la sorte. En voici quelques exemples pour la France métropolitaine (et ils en existent bien d’autres…) : le frelon asiatique Vespa velutina, la griffe de sorcière Carpobrotus spp. ou les jussies Ludwigia peploides et Ludwigia grandiflora. Toutes ces espèces, sans exception, ne sont pas originaires de nos contrées et ont été importées par les activités humaines. Toutes ces espèces, sans exception, présentent donc une discontinuité géographique entre leur aire d’origine et l’aire où elles ont été introduites par les humains.
Ces espèces n’ont donc pas vocation à se trouver dans nos régions et à se développer au sein de nos écosystèmes. Certaines de ces espèces non indigènes vont en outre poser de sérieux problèmes d’ordre écologiques et/ou économiques. Ces espèces seront alors qualifiées d’espèces exotiques envahissantes (ou invasives). De telles espèces vont par exemple entrer en concurrence avec des espèces originaires de nos régions (= espèces indigènes) pour l’accès aux ressources (nourriture, zone de reproduction, etc.) ou exercer une forte pression de prédation sur ces mêmes espèces. Dans certains cas, elles peuvent même modifier de façon drastique les habitats dans lesquels elles ont été introduites (cas de la griffe de sorcière par exemple). Au final, ces espèces exotiques envahissantes vont avoir des effets non négligeables sur la biodiversité locale, pouvant entrainer, entre autre, une raréfaction des espèces indigènes. Ceci est particulièrement problématique quand est touchée une espèce protégée ou une espèce à intérêt patrimonial.
Un autre risque, bien souvent ignoré, réside dans le fait que ces espèces non indigènes participent à une homogénéisation de la biodiversité spécifique à l’échelle mondiale. Souhaitons-nous observer les mêmes espèces en tout point du globe dès lors que les conditions environnementales sont similaires ?
Vous l’aurez compris, ces espèces non indigènes sont l’une des menaces les plus sérieuses pour la préservation de la biodiversité à l’heure actuelle, au même titre que la destruction des habitats ou que les changements d’ordre climatique. Il s’agit malheureusement d’un sujet très peu médiatisé et pour lequel peu de personnes sont sensibilisées. Il reste de donc de très gros efforts à faire dans ce sens, notamment pour ce qui concerne la sensibilisation/prévention à cette problématique.
Il y a toutefois un point sur lequel je voudrais revenir. Dans cette histoire, ce ne sont pas les espèces non indigènes qui sont à blâmer. Les responsables, ce sont bel et bien les humains qui les ont introduits dans de nouvelles régions pour divers motifs, plus ou moins louables. Néanmoins, toutes ces espèces non indigènes, aussi belles soient-elles, n’ont pas leur place dans les écosystèmes où elles ont été introduites. Toute personne ayant un minimum d’intérêt naturaliste ne peut nier cette évidence à l’heure actuelle.
Cette notion d’ « invasions biologiques », quoique complexe et soulevant des problématiques éthiques, est un des enjeux environnemental majeurs des décennies à venir. Ce que je viens de vous raconter ne représente qu’une part infime des exemples et des principes théoriques qui entrent en jeux lorsque l’on s’intéresse à ce sujet. La littérature scientifique regorge de documents, tous plus intéressants les uns que les autres. Il est important que nous soyons tous concernés et sensibilisés à cette problématique.
J'ouvre en parallèle un fil de discussion dans la section "La nature en général" pour que nous puissions discuter et débattre de cela à un autre endroit que sur le fil de kasskayoux.